Comment ne pas voir en ces vulgaires boites en carton ou en bois la poursuite logique d’un cheminement mémoriel, car si l’on enterre bien nos corps, les coffres contenants ce qu’ils laissent derrière eux demeurent brassés par l’air à la lueur pâle d’un placard en désordre. Les restes de ces vies sont donc à défaut d’être mis en terre, mis en boite. Je me propose ici d’en faire l’autopsie, d’ouvrir ce qu’aucun désignerai comme une « boite aux trésors » pour en découvrir les moindres recoins.

Mon travail s’organise ici autour de la récupération et l’étude de tickets de rationnement de la seconde guerre mondiale. L’objet comme témoin du passé s’inscrit alors dans une dynamique de survivance, phénomène ici appuyé par la nature même du ticket de rationnement. Ma pratique se propose alors d’interroger ces objets. Mon intervention prélève l’ornemental de l’objet  afin de le faire passer d’’un statut utilitaire a un statut décoratif.  La pièce produite prend alors valeur de questionnements autour de la falsification, un exercice ici rendu absurde par l’échelle de la fausse  carte ou encore les matériaux utilisés (papier, bois et couverture de survie).

Aux aléas parfois tragiques de notre quotidien succède toujours une plongée dans ces objets résiduels, les traces que la personne abandonne derrière elle, témoignant avec imprécision du chemin parcouru.En réinvestissant ces objets je pose la question de leur statut, perdu entre leur utilité première et leur plasticité renouvelée. C'est au travers de ce mouvement singulier que les frontières deviennent si poreuses, un passage du cadre privé à la sphère publique pour prouver qu'ici il y avait bien quelque chose, qu'à cet instant quelqu'un a vécu.

 Ce travail prend une valeur "bâtarde", à la fois sacrilège et dans un second temps redoublant l’acte créateur par son propre discours, une forme de suite à l’acte de Robert Rauschenberg avec son Erased de Kooning. Ici mon intervention plastique s’effectue par la modification de radiographies en venant les graver afin de faire apparaître certains éléments sur l’image finale. La radiographie se place comme véritable portrait moderne à la fois anonyme par sa généralité et marqueur identitaire par sa précision de rendu.Constat que je viens falsifier en intervenant directement au cœur de la matière afin de développer une fiction commune a toute mes images.